Collegium vocale Strasbourg Ortenau

2017 – Erntefeier – Oratorio sacré de Heinrich von Herzogenberg op 104

Automne 2017

Dimanche 05 Novembre 2017 à 15.00 heures
Philharmonie Haarlem, Pays-Bas
Samedi, 18.11.2017 18.00 Uhr
Temple Neuf Strasbourg
Dimanche,  19.11.2017 18.00 Uhr
Kurhaus Baden-Baden

Heinrich von Herzogenberg
Erntefeier op. 104
Oratorio pour Soli, Chœur
et Orchestre, Orgue et  chant d’assemblée

L’année 2017 restera pour les choristes et pour les amateurs de chant choral transfrontalier une année mémorable, avec notamment la création du CVSO, le partenariat avec la Singakademie Ortenau (SAO) et le Philharmonischer Chor Baden-Baden (PCB), sans oublier la constitution de l’orchestre Musiciens sans frontières Alsace-Ortenau.

Mais le moment fort de cette année sera sans nul doute la série de concerts festifs consacrés à l’œuvre Erntefeier
de Heinrich von Herzogenberg (contemporain et ami de Brahms)

Après un premier concert à Haarlem (Pays-Bas) à l’invitation du COV, deux concerts-événements seront donnés au sein de l’Eurodistrict successivement le 18 novembre à Strasbourg (Église du Temple –Neuf) et le 19 novembre à Baden-Baden (Salle Bénazet de la Kurhaus Baden-Baden).

Rappel historique :
Cette œuvre a été créée sous sa forme intégrale à Strasbourg le 10 juilllet 1899, comme point d’orgue musical des 15èmes Journées du chant choral évangélique d’Allemagne (l’Alsace, ayant été annexée à l’Allemagne par le Traité de Francfort en 1871).
C’est de cette façon que fut présenté aux personnalités du monde de la musique sacrée de l’époque ce qu’il était possible de faire en matière spirituelle et artistique.
Responsable de l’organisation de toute la manifestation, le professeur strasbourgeois de théologie Friedrich Spitta (fils du musicologue Allemand Philipp Spitta) avait rassemblé les textes qui composent l’œuvre et, chanteur amateur très doué, tenait lui-même la partie de ténor solo. Les solistes étaient accompagnés par l’Akademischer Kirchenchor, dont il était le chef, ainsi que par le Chœur de St Guillaume de Strasbourg. L’ensemble était placé sous la direction d’Ernest Münch, père de Charles Münch et chef renommé pour ses interprétations des cantates de Bach en collaboration avec Albert Schweitzer.

116 ans plus tard, cette œuvre sera donnée à Strasbourg pour la seconde fois.

Sous le titre de Vox Rheni 2017 – Culture au cœur de l’Europe – Une fête des moissons, ce projet, prend place dans le cadre des deux thématiques 500 ans de la Réforme et Strasbourg Laboratoire de l’Europe 1880 – 1930.

Pour cet événement, le Collegium Vocale Strasbourg Ortenau est heureux d’accueillir les grands solistes que sont :
Nathalie de Montmollin, Soprano (Eisennach)
Marlene Lichtenberg, Alto (Théâtre national Cottbus)
Max Prodinger, Ténor (Zürich)
Duccio Dal Monte, Basse (ancien membre de la Scala de Milan et actuellement à Vienne).

Ils seront accompagnés par
le Collegium vocale Strasbourg Ortenau
le Christlichen Oratoriumvereinigung Haarlem (Pays-Bas)
le Philharmonischer Chor Baden-Baden
la Singakademie Ortenau
l’orchestre des Musiciens sans frontières Alsace-Ortenau

Direction :
Piet Hulsbos (concert du 19/11 à Baden-Baden),
Olaf Fütterer (concert du 18/11 à Strasbourg)

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L’œuvre et son analyse :
L’oratorio Erntefeier (Fête de la récolte) offre une conception théologique très sophistiquée. Ainsi qu’il le fait pour d’autres oratorios d’église, Friedrich Spitta (1852-1924) a recours pour le texte à des versets de la Bible et des strophes de chants chorals. L’œuvre se compose d’une introduction et de trois parties, et adopte une forme d’anti-Ring wagnerien. Spitta écrit ainsi : “Après m’être longtemps confronté avec la matière de cette action de grâce post-récolte, il m’est apparu qu’un sens plus global de la vie pouvait lui être donné : joie de vivre, travail, misères et autres soucis de la vie, dépassés par la contemplation des bienfaits idéalisés offerts par le Christ, le bilan de la vie lors de son achèvement, ainsi que la conscience de sa finitude.”
Ainsi – et c’est unique dans l’histoire de la théologie – une grande arche s’établit entre l’action de grâce de la moisson traditionnelle et “la récolte de la vie” dans l’éternité. Comme une vue d’ensemble depuis la Fête des moissons jusqu’au Jour des morts.

L’introduction est consacrée aux motifs de l’action de grâce de la moisson au sens premier. Le prélude orchestral reprend le choral “Nun danket alle Gott” (“À présent, rendons tous grâce à Dieu”).  Le motif d’entrée imprègne également toutes les strophes suivantes, l’arioso de bénédiction final est une magnifique paraphrase de ce chant d’action de grâce resté si populaire jusqu’à aujourd’hui.

La première partie, consacrée à la période de la jeunesse reste actuellement la plus difficile à interpréter. Les chœurs de jeunes filles et de jeunes gens expriment les plaisirs insouciants de la vie, lorsque surviennent deux “aînés” – solistes alto et basse – qui les mettent en garde contre les expériences de la vie. L’avertissement est pris au sérieux et les jeunes de  prier leurs aînés “Apprenez-nous la connaissance et le bon jugement”.
Bien que ces propos soient inspirés (avec brio) par les textes bibliques, il peuvent paraître aujourd’hui moralement un peu dépassés. Mais la question peut être interprétée sur un autre mode : le premier chœur serait une métaphore pertinente de la société moderne dite “des plaisirs”, la jeunesse étant tournée vers le culte du corps. Quant à la forme musicale remarquable du discours des aînés – un canon dit “renversé” – elle incite à considérer son contenu avec attention, de la même façon qu’avec les cantates de Bach dont nous pénétrons le texte dès le premier coup d’œil. L’air sentimental en Mi majeur du “La Femme punie” perd soudain son côté naïf, lorsqu’on retrouve dans la tonalité et certains motifs parallèles au sein d’autres œuvres de Herzogenberg, l’hommage qu’il rend à sa défunte épouse “Une femme merveilleusement douée et qui avait hérité de tous les dons et tous les talents” (Ph Spitta)

Dans la deuxième partie, une musique très éloquente évoque “la réalité de la vie”. La “question sociale” illustre le contexte historique du début du XXè siècle. On peut l’entendre aujourd’hui comme une contribution critique à la problématique du chômage et les écarts frappants de richesse dans notre société.
Le “riche céréalier”, dont le cynisme ouvertement assumé est illustré musicalement par un étalage de cuivres, apparaît comme l’image négative d’un pur matérialisme égoïste, pendant que la voix de soprane y oppose la menace des paroles bibliques et qu’un chœur adoptant un ton révolutionnaire, appelle au pourrissement de leurs biens, toujours en référence aux textes bibliques.
Comme l’explique Spitta, voici la solution : “Le Christ apparaît. Dans un arioso oppressant accompagné par un solo de violon, il frappe à la porte des cœurs durs et leurs montre leur pauvreté spirituelle. Puis, rempli d’un amour débordant, il se tourne vers les âmes accablées et fatiguées, et les appelle à lui.” Ceux qui découvrent l’amour de Jésus acclament avec chorals et psaumes, notamment le populaire “Le Seigneur est mon berger”. En réalité, plus qu’une œuvre chorale sacrée, c’est en réalité la responsabilité sociale vis à vis de la vie qui est spécifiquement thématisée ici.

La troisième partie commence en contrepoint de la première, avec un chœur des aînés, une marche funèbre émouvante, dans une tonalité Si mineur : “Chaque chose périssable doit avoir une fin”. On se rappellera le thème fameux du Deutsche Requiem de Brahms, dont Herzogenberg était un proche et un admirateur. Le Christ réapparaît et ouvre la toute autre dimension de la Vie Nouvelle (éternelle), symbolisée musicalement par l’inversion tonale vers le Ré dièse mineur : 5 # au lieu de 5 b). Un chœur magistral vient en appui, avant que d’autres paroles du Christ marquent le propos principal de l’œuvre. Avec “Devant toi l’on se réjouit, comme on se réjouit devant la moisson” commence le final grandiose pour solistes et chœur, qui s’élève toujours plus haut, jusqu’à l’extase. Il aboutit sans transition – introduit par le motif initial de la mélodie déjà pour chœur et orchestre – au choral final “Gloria te soit chanté”.
Au XXè siècle, cette strophe d’un cantique de Philipp Nicolai de 1599 est devenue le modèle de la relation qui unit par une foi joyeuse le terrestre et le céleste. Le nouveau livre des cantiques de 1993 l’élève au rang de clef de voûte du catalogue J-S Bach (n° 535). Avec ce choral final, l’Erntefeier devient ainsi d’une totale modernité. Et les vers du psaume de la fugue finale “Car c’est auprès de Toi que se trouve la source de la vie et dans Ta lumière, que nous voyons la lumière” – paroles qui sont également gravées sur la pierre tombale de Herzogenberg, au cimetière de Wiesbaden – constituent le texte biblique central à partir duquel Jürgen Motmann, théologien renommé universellement, veut aborder les questions pressantes de la responsabilité chrétienne dans le monde d’aujourd’hui.

Musiciens sans frontière Alsace-Ortenau
COV Haarlem
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